Immobilier : non, le secteur ne va pas s’effondrer
Concernant l’activité du secteur les prévisions alarmistes seront pour l’essentiel largement démenties par la réalité. Il y a toujours une demande. Pascal Beuvelet
J’ai traversé toutes les grandes crises qui ont affecté l’immobilier.
1973 : premier choc pétrolier ; 1981 : élection de François Mitterrand ; 1990 -1997 : Tempête du désert et bulle spéculative ; 2007-2008 : crise des subprimes. Toutes ces crises avaient une origine politique et/ou économique.
La situation actuelle est sans précédent. Il n’existe aucun point de comparaison historique sur lequel nous appuyer ! Cependant, en immobilier, pas plus que dans d’autres domaines, je ne crois en un bouleversement des mentalités et des habitudes qui transfigurerait subitement le monde actuel.
Après deux mois et demi d’inactivité quasi totale les professionnels de l’immobilier ancien sont de retour sur le terrain. Tous ceux avec lesquels je m’entretiens et ceux avec lesquels je collabore sont optimistes, battants et confiants en l’avenir. Il y a peu de sinécure dans la transaction immobilière, un marché libre !
Concernant l’activité du secteur je prédis que les Cassandre en seront pour leur frais et que leurs prévisions alarmistes seront pour l’essentiel largement démenties par la réalité.
Ainsi certains ont annoncé la faillite de plus de 3000 agences immobilières et le licenciement de 20 000 salariés, des chiffres très exagérés. Oui, il y aura inévitablement des défaillances et du chômage mais certainement pas à ce niveau qui représenterait plus de 15 % des professionnels du secteur spécialisé en transactions.
Oui, il y aura une très forte chute du nombre des transactions.
Perdre 2,5 mois de production c’est mathématiquement perdre 20 % des volumes anticipés sur une année d’activité. 2019 était une année record avec 1 063 000 ventes. Le cru 2020 fera forcément piètre figure, d’autant que des ventes programmées avant le confinement n’aboutissent pas. Réussir 800 000 transactions cette année serait un exploit.
Certains prédisent une chute des prix. Je n’y crois pas.
L’accès à la propriété immobilière et la fixation des prix est plus que jamais déterminée par le marché. À la différence du marché de la location, le marché français de la transaction sur vente est librement concurrentiel.
La loi de l’offre et de la demande joue à plein.
Les zones tendues d’Ile-de-France et des métropoles régionales gardent leurs capacités d’attrait et il n’y a aucune raison pour que les prix baissent. À Paris, des professionnels ont enregistré des hausses de prix de 7 % en moyenne pour des appartements disposant de balcons !
Concernant des territoires ruraux plus délaissés il est probable que le nombre de nouveaux acquéreurs augmente sensiblement et enraye une baisse régulière des prix de vente.
L’apparition du télétravail
En effet, une des conséquences du Covid c’est l’apparition du télétravail qui a fait la preuve de son utilité et efficacité. Sans aucun doute cette opportunité est appelée à se développer. Elle génèrera une nouvelle demande dans les territoires moins urbanisés où des prix plus accessibles favorisent l’acquisition de plus grandes surfaces. Un sondage Seloger post confinement indique très clairement que 47 % des Français achèteraient prioritairement une maison, 25 % opteraient pour une ville de moins de 20 000 habitants et 20 % ont revu à la hausse la surface de leur prochain logement.
Sur le plan du marché global de l’offre, je rappelle que nous avons un déficit de 350 000 logements par an que seule la construction neuve peut réduire. Or, déjà en temps normal, ce secteur ne parvient pas à absorber l’augmentation de la démographie auquel s’ajoute la décohabitation, grande créatrice de besoins de logements. En 1984 l’INSEE comptabilisait 2,7 personnes par logement contre 2,1 en 2015. Sans compter qu’il faut également combler le remplacement des logements vétustes et insalubres.
Avec le Covid la situation va encore plus se détériorer. Elle ajoute des délais supplémentaires aux octrois de permis de construire et des mises en chantier déjà mises à mal dans les périodes d’élections municipales toujours néfastes à la promotion immobilière. Personnellement je ne vois rien qui puisse améliorer ce marché qui de plus est excessivement politisé et réglementé.
À mon avis, un autre point d’une importance extrême dans les décisions d’allocation d’actifs.
La crise a fait brutalement chuter la valeur des portefeuilles boursiers. Or pour ajouter du malheur à ce malheur la puissance publique fait pression sur les entreprises pour qu’elles ne distribuent pas de dividendes.
Ce signal est dévastateur, tout comme l’est celui sous-jacent insidieusement communiqué aux épargnants leur enjoignant de consommer une épargne sécuritaire ! Ceux-là devraient s’interroger sur les regards posés sur leurs économies !
Cette politique d’ingérence dans des rapports d’ordre privés entre un actionnaire et l’entreprise où il a librement investi est de nature à renforcer la valeur sécuritaire de l’investissement immobilier. Dès lors je crois à l’accélération de l’investissement locatif qui avec des rentabilités nettes souvent supérieures à 3 % financé à taux de fixe de l’ordre de 1,20 % présentent un réel intérêt patrimonial.
Mais au bout du compte il faut savoir que le marché immobilier est totalement dépendant du crédit.
Lorsque 90 % des achats se font à 90 % à crédit il est indiscutable que le niveau des taux est le grand régulateur du marché.
Oui, il est vraisemblable que les taux augmentent. Ils ont amorcé une hausse, passant de 1,12 % sur 20 ans à 1,25 % sur la même durée. En réalité il s’agit d’une hausse de mensualité de 8 euros par mois pour un prêt de 150 000 euros soit un surcoût de 1920 euros au bout de 240 mois. Autrement dit, peanuts !
En aucun cas cette hausse, présentée comme angoissante par certains, ne fera significativement chuter le nombre des acquéreurs, donc de la demande, donc des prix.
Depuis que je pratique l’immobilier (1973), les taux des crédits ont toujours été très strictement corrélés au niveau de l’inflation. Or j’imagine mal une hausse brutale de l’inflation et donc des taux des crédits alors que nous aurons une croissance en perte de vitesse et une convalescence qui promet d’être durablement longue avant d’espérer un retour à la bonne santé !
Un bémol cependant, la position du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) qui fin 2019 demandait aux banques de durcir leurs critères en matière d’apports personnels et de durée d’emprunt.
Cette recommandation rajoutée à l’inexorable hausse du chômage va de facto exclure de l’accession la grande majorité des primo-accédants.
« Le temps met tout en lumière » Thalès